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L’imposition des redevances des franchises McDONALD’S FRANCE au Luxembourg

L’imposition des redevances des franchises McDONALD’S FRANCE au Luxembourg

Auteur : LAIR David
Publié le : 05/02/2014 05 février févr. 02 2014

L’enseigne McDonald’s a remis sous les feux de l’actualité les montages juridiques et fiscaux pratiqués par les multinationales afin de minimiser leur charge fiscale au regard de l’imposition en matière de TVA et d’impôt sur les bénéfices en France.

Optimisation ou évasion fiscale ?Alors que par une décision n°2013-679 DC du 4 décembre 2013, le Conseil Constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, une affaire impliquant un géant de la restauration rapide – l’enseigne McDonald’s – a remis sous les feux de l’actualité les montages juridiques et fiscaux pratiqués par les multinationales afin de minimiser leur charge fiscale au regard de l’imposition en matière de TVA et d’impôt sur les bénéfices en France.

Ce dossier reflète à nouveau la difficulté d’une part, à différencier les notions d’évasion fiscale et fraude fiscale, si tant est qu’il y ait encore matière à les distinguer et d’autre part, à appréhender la frontière entre optimisation et abus de droit.

En l’espèce, ce contentieux met en lumière les pratiques développées par les multinationales, comme l‘entreprise américaine McDonald’s, depuis l’émergence du concept de « Globalization » ou Mondialisation en français, notamment l’émergence du « tax planning » ou planification fiscale consistant pour les entreprises à utiliser la loi à des fins de minimisation du coût fiscal de leurs opérations.

Cette pratique, qui se situe à l’intérieur du concept d’évasion fiscale, n’en demeure pas moins légitime (utilisation d’allégements fiscaux permis par les législations internes, régimes dérogatoires, niches fiscales, consommation de produits moins taxés…etc) lorsque le mécanisme ou le montage utilisé correspond à des transactions commerciales normales ; ce que l’Organisation de Coopération et Développement Economique (OCDE) avait adopté en distinguant, au sein de toutes les formes de réduction de la charge fiscale, l’évasion « acceptable » et l’évasion « inacceptable ».

Depuis, alors que la conjoncture économique marquée par la récession se mêle de scandales financiers liés aux délocalisations de bénéfices des grands groupes industriels et commerciaux dans des pays disposant de législations fiscales accueillantes, la pression des institutions supranationales et de certains gouvernants a poussé de nombreux pays, notamment ceux du G20, à modifier leur définition du « fiscalement correct » !

L’affaire McDonald’s en est le parfait exemple. L’administration fiscale française reproche au géant du fast food d’avoir soustrait en cinq ans, par le biais de l’utilisation du système des franchises, une partie de son chiffre d’affaires réalisé en France. Selon les renseignements obtenus, plus de 2,2 milliards d’euros auraient (ont ?) été transférés directement au Luxembourg et en Suisse sans que la filiale française de McDonald’s n’ait acquitté sur ces sommes le paiement de la TVA ou de l’impôt sur les sociétés.

Il est d’ailleurs symptomatique d’observer que désormais, l’administration fiscale assimile les notions d’évasion et fraude fiscale, en reprochant notamment à la société McDonald’s d’avoir bénéficié d’un montage d’évasion fiscale lui permettant d’attribuer des bénéfices à une entité juridique domiciliée dans un pays à fiscalité privilégiée, le Luxembourg par exemple.

Cependant, il semble nécessaire de revenir sur les concepts de fraude et d’évasion fiscale, avant de qualifier le mécanisme utilisé par McDonald’s. La frontière qui sépare la fraude de l’évasion fiscale est toujours difficile à cerner.

Nous avons d’un côté la fraude, contraire à la législation fiscale en vigueur, de l’autre l’évasion fiscale, symbole d’une utilisation habile des textes, parfois contraire à leur esprit. La diversité des situations de fait ou de droit n’a pas permis d’établir une telle règle précise et invariable. Cette frontière entre fraude et évasion s’affaiblit au point de s’effacer quand des distinctions sont introduites entre les notions de fraude légale et fraude illégale, d’évasion licite et d’évasion illicite.

Pour certains, l’évasion fiscale est légale puisqu’elle consiste à utiliser des moyens légaux pour échapper à l’impôt, contrairement à la fraude relevant de procédés utilisant des manœuvres frauduleuses susceptibles de constituer des infractions pénales.

En réalité, le terme « évasion fiscale », tel qu’il est employé actuellement, fait référence à celui communément utilisé pour définir le moyen ayant pour but d’éluder l’impôt là où l’application du droit aurait normalement conduit à payer l’impôt. En définitive, le terme « évasion » correspond dorénavant (définitivement ?) au sens premier de « fraude ». C’est du reste de cette façon que le terme « évasion » est entendu dans le discours de nos gouvernants.

Nonobstant l’analyse de ces deux concepts, l’administration se doit de démontrer que le montage opéré par la société McDonald’s relève donc de l’évasion fiscale et ne constitue pas un schéma d’optimisation fiscale.

Le système mis en place par l’enseigne de restauration rapide américaine repose sur l’attribution ou le transfert des redevances et commissions payées par ses franchisés (qui représentent 80% des restaurants implantés en France) à des filiales domiciliées dans des pays à fiscalité privilégiée, comme McD Europe Franchising au Luxembourg ou à Genève en Suisse, et chargées de gérer ces capitaux qui, de fait, échappent à l’impôt français.

Sachant qu’en matière de redevances perçues par une entité juridique au Luxembourg, est appliquée une exonération de 80% des revenus captés. Ce montage permet donc à la multinationale via ses filiales d’acquitter, après ajustement, un impôt sur les bénéfices de 1,85% seulement, au lieu des 33,33% en France, lui procurant une économie non négligeable.

Ce système mis en place relève-t-il de l’optimisation fiscale, c’est-à-dire l’utilisation de moyens légaux prévus par les textes (régimes dérogatoires, transferts de bénéfices entre entités appartenant à un même groupe…etc) dont on peut contester la légitimité ou constitue-t-il un abus de droit dès lors que l’utilisation de ce montage apparemment légal n’a pour seul but que d’éluder l’impôt (LPF, art. 64) ?

En matière de territorialité de l’impôt, l’administration fiscale française peut également se fonder sur les conventions fiscales bilatérales signées avec les Etats-Unis et le Luxembourg, pour régler la question de l’imposition des redevances versées par un résident d’un état contractant à une structure résidente de l’autre état contractant.

Ceci étant dit, les montages mis en place dans un but d’optimisation fiscale engendrent un coût que supportent les contribuables, et contribuent, aussi légaux soient-ils, à délégitimer l’impôt, si bien qu’il est du devoir de l’Etat de les combattre.

Rappelons-nous enfin que si le régime de Vichy fût mis en place au terme d’un processus légal, il n’en demeurait pas moins illégitime.





Cet article n'engage que son auteur.

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